Les axes d'amélioration du CIR : Travaux de l'Assemblée Nationale

Un rapport est paru cet été pour faire quelques propositions de modification au CIR. Nous avons étudié les propositions de ce rapport afin d'analyser si l'application de ces modifications serait de nature à remettre en question profondément ce dispositif fiscal tel que vous le connaissez. La réponse est non, bien que certaines modifications puissent entraîner dans certains cas une diminution potentielle de l'assiette et donc de l'aide reçue.

Le Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du Règlement par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur l'application des mesures fiscales et présenté par M. Joël Giraud, enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juillet a fait un focus sur une dépense fiscale stratégique coûteuse : le Crédit Impôt Recherche

Cet article vise à faire une synthèse de ce qu'il faut retenir de ce document, plus particulièrement lorsque l'on est une startup.

Le rapport d'information cite assez largement un autre rapport de la cour des comptes intitulé L'évolution et les conditions de maîtrise du crédit d'impôt en faveur de la recherche et datant de juillet 2013.

Un dispositif non menacé

Le dispositif du CIR est parfois décrié, il était donc sain et intéressant de voir ce que l'assemblée pouvait avoir à discuter sur le sujet.

Le rapport démarre sur un constant assez clair : bien que le CIR puisse gagner à évoluer par rapport à son fonctionnement actuel, le dispositif n'est pas menacé pour autant.

Il est en effet indiqué :

Précisons dès ici que les développements qui suivent n'ont nullement pour objet et ne sauraient avoir pour effet de remettre en cause le principe du CIR, utile pour le développement de la recherche française, pour la compétitivité des entreprises et pour l'attractivité de notre pays.

Ouf.

Une idée est cependant introduite : regarder de plus près le dispositif. Car, comme nous le verrons après, la mesure coûte pas mal d'argent à la communauté et il serait donc souhaitable d'être certains que cet effort ait vraiment un intérêt.

Pour regarder le CIR de plus près, il est par exemple imaginé d'avoir un recours plus large à la demande de documentation technique imposée aux quelques entreprises déclarant plus de 100 m€ de dépenses annuelles :

a été introduite la production annuelle d'un rapport établi par le ministre chargé de la recherche portant sur l'utilisation du CIR par les entreprises qui en bénéficient.

Ce rapport sera d'autant plus opportun qu'il permettra peut-être d'identifier des pistes d'améliorations du dispositif du CIR, outil régulièrement critiqué en raison de son coût et des éventuels effets d'aubaine qu'il induirait. S'il est limité actuellement aux seules entreprises engageant plus de 100 millions d'euros de dépenses de R&D, le champ de ce rapport pourrait certainement et utilement être étendu à l'ensemble des entreprises bénéficiant du CIR, et non uniquement aux plus grandes.

Avec un peu plus de 24000 déclarations déposées chaque année, la mise en oeuvre d'une généralisation de cette mesure parait cependant un peu compliquée à mettre en oeuvre (puis à exploiter correctement ensuite). Nous ne sommes donc pas prêts à priori d'avoir à fournir un document de plus chaque année avec nos déclarations. Un fonctionnement par échantillonnage est aussi possible, à voir donc si cette idée ira plus loin à l'avenir…

Le rapport évoque également la potentialité du CIR en tant que levier pour attirer les sociétés étrangères à s'implanter en France pour des raisons fiscales :

En matière d'attractivité française de la R&D, en revanche, l'efficacité du CIR est moins tangible. Comme le rappelle la Cour, les facteurs déterminants pour la localisation par des entreprises étrangères d'activités de R&D dans un pays sont la proximité du marché et la qualité des chercheurs et autres personnels. Le coût de la recherche n'intervient que dans un second temps.

Son bilan est donc mitigé bien que Google et Facebook aient pourtant récemment choisi notre pays pour implanter des centres de recherche. La fiscalité avantageuse du CIR doit bien peser un peu…

La question du coût et de l'efficacité du CIR est éternelle

Le dispositif coûte cher. De plus en plus, sans que l'on ne parvienne à prévoir correctement son coût d'une année sur l'autre. (Et c'est toujours plus que prévu, jamais l'inverse)

La réforme du dispositif par la loi de finances pour 2008, qui a substitué aux précédentes parts un taux plus élevé et applicable à toutes les dépenses de recherche éligibles sans considération incrémentale, reposait sur des chiffrages manifestement sous-estimés : les estimations alors faites prévoyaient un coût en rythme de croisière de 2,823 milliards d'euros par an. Dès 2010, ce coût s'était établi à 5,05 milliards d'euros.

En 2017, le CIR a représenté une dépense fiscale de près de 6,3 milliards d'euros, niveau sans précédent et surtout qui révèle une forte dynamique entre les prévisions initiales, les prévisions révisées et le montant finalement constaté au titre de cette année

À l'aune de ces éléments, il est probable que les prévisions pour 2018, qui portent sur un montant de 5,802 milliards d'euros, soient dépassées.

Compte tenu de ce coût, son efficacité est - légitimement - questionnée.

Cela tombe bien, un rapport Européen vient de réaliser un benchmark des incitants fiscaux en Recherche et Développement de 33 pays.

Sur les 83 instruments fiscaux ainsi étudiés, il faut se réjouir du fait que celui classé en tête soit un outil français, le dispositif des « Jeunes entreprises innovantes » (1) . Le CIR, lui, arrive à la vingt-cinquième place, malgré un classement plutôt bon sur certains critères.

Déjà, cocorico, la France dispose du dispositif le plus efficace d'entre tous : le statut de JEI. Le CIR ne se classe "que" 25ème, ce qui démontre bien qu'il y a de la place pour certaines améliorations.

Son coût, évalué à 5,8 milliards par l'étude, en fait le plus onéreux de tous les instruments étudiés.

Les « Axes d'amélioration du CIR » possibles

Alors quels sont les axes proposés ?

Comme vous allez le voir, rien de fondamentalement handicapant pour une startup ou une TPE…

Axes d'amélioration du CIR : #1 - Le doublement de l'assiette des organismes publics

La première piste est de limiter tous les systèmes de bonus : le doublement des factures des organismes public en est un.

La Cour jugeait que le doublement de l'assiette en cas de sous-traitance, notamment de sous-traitance publique, outre sa relative complexité, ne se justifiait plus nécessairement

Le rapport indique que cette modification pourrait permettre de contenir certaines dérives.

ce doublement est de nature à ne pas inciter les entreprises donneuses d'ordre à négocier le plus justement possible le prix des prestations qu'elles commandent

Le recours aux organismes publics représente une dépense non négligeable dans les statistiques nationales, cette modification pourrait donc bien avoir un effet sensible pour les startups y ayant un recours important.

Axes d'amélioration du CIR : #2 - La question des jeunes docteurs

Là, on touche le point qui risque être le plus désagréable : le fait de pouvoir retenir dans l'assiette des dépenses les jeunes docteurs à hauteur de 400% de leur coût réel.

la Cour considérait que le dispositif applicable aux jeunes docteurs était excessif

L'idée serait de couper la poire en deux pour passer à 250% :

La Cour des comptes préconisait de supprimer la spécificité des jeunes chercheurs s'agissant des dépenses de fonctionnement, pour aligner leur prise en compte sur le reste des dépenses de personnel, soit 50 % de ces dernières. Le niveau de soutien résultant de cette recommandation s'établirait à 75 % de la dépense, ce qui reste très incitatif

Comme l'indique le rapport, cela revient à faire supporter le coût du jeune docteur à 75% par le CIR. C'est certes moins que les 120% actuels, mais ça reste très élevé quand même.

Axes d'amélioration du CIR : #3 - Suppression de certaines dépenses

Encore un coup de rabot à certaines dépenses :

éventuelle suppression des dépenses déclarées au titre de la veille technologique, de la normalisation et de la défense des brevets, jugeant que ces activités ne sont pas incluses dans le Manuel de Frascati

Là encore, ce ne sont pas, et de loin, les dépenses qui pèsent le plus dans vos assiettes, mais les voir disparaître de l'équation pourrait dans certains cas avoir un impact très négatif…

Axes d'amélioration du CIR : #4 - Suppression des dépenses de collections

L'état ne semble pas en avoir fini avec le crédit impôt collection…

L'idée serait donc de le supprimer purement et simplement.

elle considérait que le « crédit d'impôt collection », correspondant aux h et i du II de l'article 244 quater B, relevait plus de l'incitation industrielle que de la R&D et n'avait dès lors pas nécessairement sa place dans le CIR.

Coup dur pour les rares sociétés bénéficiant du crédit impôt collections. D'autant plus que son coût annuel n'est pas si important comparé au CIR + CII…

Alors, on change tout ?

Bon. Ne jetez pas à la poubelle vos fiches de temps et ébauches de dossiers de rescrits CIR. Ces idées ne vont pas forcément se traduire par des changements dès cet automne.

Le rapport indique bien que ces pistes sont à étudier mais qu'elles entraîneraient des conséquences. Conséquences qu'il faudrait bien étudier avant de tirer des conclusions.

Ces différentes pistes méritent que l'on s'y attarde. La réflexion ainsi proposée doit néanmoins inévitablement intégrer les conséquences qu'une éventuelle adoption des recommandations de la Cour des comptes aurait en termes :

- d'activités de recherche pour les sous-traitants ;

- d'emploi des jeunes docteurs ;

- de maintien d'activités économiques liées aux collections du secteur textile-habillement-cuir.

De notre point de vue, l'essentiel reste inchangé. Les modifications proposées permettraient de réduire la facture, mais celle-ci resterait à n'en pas douter très élevée : vous n'avez donc pas à craindre que l'état vous laisse innover sans vous aider.

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